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On est le 30 avril 2017. J'ai tellement pris que je ne sais même pas combien j'ai pris.
Et c'est aujourd'hui que je me rends compte pourquoi tu m'as quittée. Quelle importance ma dépendance avait pour toi.
T'es la première personne à qui j'en avais parlé, quand j'ai réalisé le bain de merde dans lequel j'étais. Je pensais m'en sortir plus rapidement avec ton aide, mais j'ai l'impression que moi-même je n'étais pas prête à me mettre des barrières. J'ai laissé faire, j'me suis shootée tous les jours pendant des mois et des mois, devant tes yeux, j'étais un petit fantôme, une ombre de moi-même. Tu connaissais à peine la vraie moi en fait, tu avais rarement vu la moi sans drogues. J'étais incapable de mettre de l'argent de côté, ce qu'on me donnait pour me payer à manger les jours où je n'allais pas à la cantine, je préférais le dépenser dans des médicaments, dans n'importe quoi, dans une caresse illusoire destructrice. Je ne mangeais pas, je me droguais, un joli cocktail d'émotions qui me rendait bien souvent malade devant ma classe, les profs, toi, ou ma famille, à qui je sortais l'éternelle disquette "j'ai trop mangé" ou "quelque chose est mal passé". Je me suis inventé des carences pour ne pas effrayer les profs avec des malaises ultra-fréquents, j'ai compté mes jours de sevrage sur les doigts d'une main avant de replonger, j'ai regardé les secondes passer, j'ai supporté des jours entiers incapable de me concentrer parce que je n'avais rien à avaler. J'ai pleuré des nuits entières, établi des stratégies pour obtenir quelque chose, j'ai même été jusqu'à espérer qu'un membre de ma famille souffre pour que je puisse lui piquer les médicaments qu'on lui aurait, à lui, utilement prescrits. Je ne souffre que de l'intérieur, je brûle, tout mon esprit carbonise chaque instant, avec ou sans drogues, c'est la même chose. J'suis destinée à brûler à petit feu comme ça, et c'est pour ça que tu es partie. Tu as raison, sans ironie, tu as raison. Je ne voulais pas que tu me voies souffrir encore comme ça, je ne voulais pas que tu espères encore que je m'en sorte, j'en avais assez de te voir déprimer dans ton coin à cause de moi. Et repenser à cette idée d'une deuxième moi, la moi droguée, que tu connaissais si bien... ça me dégoûte. J'ai comme l'impression de t'avoir menti quatorze mois, d'avoir fait semblant, d'avoir joué avec toi. Si j'me droguais au début c'était pour me supporter, pour calmer mes élans violents et dépressifs. Ensuite c'était juste par habitude. Une petite gélule ou un petit cachet dès le matin, et on est parti pour une demi-journée. Je me souviens de l'attention que j'y portais au début, je choisissais les moments, les doses, je ne prenais pas trop, juste de quoi exister, "ex-sistere", sortir de mon être. Et aujourd'hui je m'en tape tellement que si ça se trouve, j'ai avalé suffisamment pour que ce soit mortel. J'suis incapable de me mettre des barrières mais je suis la seule à pouvoir le faire. Et ça me rend folle de ne même pas réussir à me contrôler. La vie ne me fait pas de cadeau, mais j'ai osé croire que le bonheur que je trouvais au début dans la drogue en était un. Non, c'était juste un cadeau empoisonné, dont la substance nocive se propage doucement et discrètement dans le corps, sans qu'on le remarque. Au moment où l'on s'en rend compte, c'est déjà trop tard.
Je t'ai perdue toi, toi, la personne à qui je tenais le plus au monde, tout ça à cause de ça. J'ai fait une connerie que je ne saurai jamais réparer ni aujourd'hui ni demain. J'aimerais tellement te revoir, ne plus souffrir et ne plus te voir souffrir, surtout. J'aurais aimé te rendre heureuse, ne pas t'angoisser, qu'on ait autre chose à penser. J'ai foiré ma plus grosse mission et je ne me le pardonnerai jamais.
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19.04.17 - 21h24
J'ai besoin de drogue. Donnez-moi n'importe quoi. J'vais chialer. Tout casser. Me détruire extérieurement, pour que vous voyez ce que c'est à l'intérieur. J'suis au bout. J'tiendrai pas plus longtemps j'te dis, foutez-moi la paix. Laissez-moi tout foutre en l'air tranquillement. Je sais que vous comptiez sur moi, que vous y croyiez, j'suis désolée de vous décevoir, j'ai trembloté toute la journée, mon crâne va exploser, mes nerfs sont à vif, j'suis incapable de me concentrer, j'ai le visage qui brûle. Écrire m'est difficile, j'ai les mains incontrôlables. Et pourtant écrire c'est la seule chose qui pourrait me calmer et me sauver d'une chute qui me demanderait des mois de courage pour me relever.
Dire que j'pensais tout contrôler. Dire que j'pensais "j'arrête quand je veux". Dire que pendant des jours et des jours, j'ai joliment organisé mon décès. Dire que pendant des jours, j'me suis même pas rendue compte de la merde dans laquelle j'me mettais.
J'ai fait une connerie et j'arrive pas à savoir où. Il est où le problème, à quel moment j'ai pu perdre pied à ce point ? À quel moment même j'ai pu commencer ça, qu'est ce qu'il s'est passé ? Je comprends pas. J'en ai besoin. J'me suis attachée comme c'est pas autorisé, j'ai pris des doses de plus en plus élevées pour survivre, j'ai subi le sevrage physique déjà deux fois par pure volonté, et là j'suis comme une conne sans rien avoir à avaler, j'suis là à ne pas savoir quoi faire pour ne pas tout casser autour de moi. J'suis à cran, j'veux pas qu'on me parle, j'ai jeté mon téléphone loin de moi, j'ai pas envie d'adresser la parole à quelqu'un si ce n'est pour quémander quelque chose, n'importe quoi. J'suis tellement en manque que même trois ou quatre Doliprane feraient l'affaire pour me calmer. Dix-neuf jours de lutte. Dix-neuf jours que je me maîtrise, que je me calme, et à l'aube du vingtième jour de combat je faiblis comme ça. "C'est bon, c'est qu'une fois, après je reprends mon comptage des jours et on fait comme si ce petit pépin n'était pas arrivé". Non. ça marche pas comme ça. Si je craque une fois, je craquerai mille autres. J'peux pas me le permettre. J'ai promis d'en sortir. Si j'le fais pas pour moi, j'le fais pour Elle, pour Sabine, pour Sophie, pour Naomi, pour Lui, pour tous ceux qui ont osé y croire. Faut que je supporte mon état dégueulasse, faut que je supporte de pleurer pour rien, faut que je supporte de ne pas dormir ce soir.
J'vous déteste autant que je vous aime, vous me soutenez oui, j'vous remercie pas assez de supporter au quotidien mes plaintes et mes angoisses, mais j'vous déteste à voir que vous vous allez bien, que vous avez pas de problèmes avec la drogue, que vous avez jamais vécu ce sentiment de manque profond qu'une seule petite merde peut combler, vous ne savez pas ce que je vis la nuit quand vous dormez sur vos deux oreilles, bah moi j'me tourne et me retourne dans mon lit en attendant le sommeil, je pleure, je résiste à l'envie de me relever pour prendre quelque chose, je tremble, je sue comme un veau, et quand je réussis à dormir je rêve que je craque, je rêve que je me drogue jusqu'à n'en plus sentir mes membres. Vous ne pouvez pas savoir ce que ça fait d'essayer de se séparer de ce qui nous a accompagné au quotidien pendant plus de deux ans, vous savez pas la lutte intérieure que c'est pour cacher aux autres ce qu'on ressent quand on est en manque.
J'peux plus supporter cet état, vous pouvez pas deviner ou plutôt imaginer ce que c'est tant que vous ne l'avez pas vécu. L'adrénaline avec le risque, les effets agréables, puis les retombées, les effets secondaires, et puis un bon sommeil profond sans rêves. Et le lendemain on recommence sans se rendre compte de la spirale dans laquelle on rentre, et c'est quand on n'a plus rien qu'on se dit merde. "Merde, pourquoi j'me sens comme ça ?" Tu te sens comme ça parce que t'es en manque. Au début tu comprends pas, puis tu fais le rapprochement avec ta drogue. Et à partir de ça c'est foutu si t'as plus la volonté. Sans cette volonté t'iras nulle part, j'te promets. Si t'as pas la haine, la rage de t'en sortir, j'ai qu'une chose à te dire :
félicitations, t'es dépendant.
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01.04.17
La présence de cette douleur
Pas celle qu'on masque à grands coups de Doliprane ou d'Efferalgan, non
La douleur qui mine le moral
qui empêchera de sourire, de dormir
la douleur toujours présente dans le jour et la nuit
la douleur qui fait pleurer sans même savoir pourquoi
la douleur qui n'est pas localisée
la douleur qui se propage dans le corps au fil des heures.
Cette souffrance c'est celle qui fait palpiter le cœur
qui met des barrières à tous les coins de rue jusqu'à emprisonner sa victime dans trois mètres carrés
Cette souffrance, c'est celle qui rend jaloux
Pourquoi soi et pas les autres
Pourquoi eux sourient, rigolent, sont des gens normaux
Parce qu'elle est là la vraie interrogation
Le « je » doit bien avoir un problème
Pourquoi eux ne se posent pas de questions
Pourquoi eux ne se sont jamais demandés s'ils ne sont pas fous, trop gentils, trop méchants, trop naïfs, trop cruels, trop différents de la masse
Pourquoi eux ne se font pas remarquer dans la rue
pourquoi eux ne se sentent pas blessés quand on leur adresse la parole
pourquoi eux n'ont pas cette impression de ne pas exister
pourquoi eux parviennent à faire confiance
pourquoi les autres leur font confiance, à eux
Pourquoi « je » n'a pas le droit à cette chance
Toujours à cause de cette souffrance qui imitera une éclipse pour ombrager le bonheur
Pourquoi quand quelqu'un fait un compliment cette envie de le contredire
d'avouer que c'est des conneries, qu'il n'a aucune connaissance
Pourquoi se tuer à répéter à tout le monde ce manque de mérite
de courage
de force physique
de force psychologique
Être là sans être là
Exister sans vivre
Parler sans conviction
Faire semblant d'écouter ceux qui parlent
Se terrer au fond du lit pour éviter la vie
Penser aux dangers que sont les autres
Étouffer les pensées positives
Essayer de retrouver confiance
Essayer de ne plus pleurer
Essayer de ne plus se rabaisser, absence de valeur
Peur de l'échec
peur d'aller vers les autres
peur du rejet
peur des gens
peur d'être seule
peur de ne pas savoir réagir en cas d'agression
peur de ne pas pouvoir être libre
peur d'être trop libre
peur d'être trop au milieu, peur de ne pas avoir de personnalité
peur d'être aussi fade qu'un mur blanc.
peur de donner une image erronnée
Peur de ne plus avoir personne pour promettre que « ça va aller »
Peur de devoir tout laisser tomber sans raison valable, peur d'être effrayée par la pente à remonter
Et un jour fini la douleur
fini les sourires menteurs
fini les pleurs stériles
fini d'espérer une réalité fertile
Fini de subir la vie
Fini les « amis »
Fini d'affronter chaque jour comme une montagne
Fini tout ce bagne
Fini les objections, les costards-cravates dans les rues, les moutons identiques, les éparpillés qui ne savent pas à se ranger, les « trop ceci, trop cela », fini les tabous
fini tout
Fini d'écouter les autres sans pouvoir rien prononcer
Fini d'exister
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