• 3 juillet 2019

    Et puisque la solitude semble faite pour moi.
    Est-ce que cette amitié complexe te dispense d'être présente dans les pires moments ?

    Je me plains. Clara se plaint tout le temps. Clara se plaint sans arrêt. Clara ne fait que se plaindre. Clara ne sait rien faire d'autre, que de se plaindre.
    Donc Clara se taira désormais. Clara fermera sa gueule. Clara se contentera d'éclater, de se libérer de ses émotions nocives par ses textes bordéliques, publiés sur un blog raté visité par une poignée d'illustres inconnus.

    Ma voix ne sera entendue que par des gens qui sont dans l'impossibilité de m'aider. Quelques habitués qui ne me connaissent qu'à travers les écrits qui relatent les aspects les plus sombres de ma courte existence.
    Aux yeux de ceux qui me savent, je suis un être alambiqué, bourré de caractère, très amoureuse, qui ne supporte pas l'échec et qui cumule les blagues les plus sales. Une fille qui joue un rôle pour éviter de parler de ce qu'elle ressent vraiment.
    Aux yeux de ceux qui me lisent, je ne suis que dépendance, alcoolisme, suicides manqués, victime de harcèlement et échecs successifs.

      Peut-être est-ce ce visage qui finalement me correspond et me décrit le mieux, et justifie ainsi l'isolement auquel je suis condamnée ?


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  • 29 juin 2019
    22h28


    Je me suis douchée pour mourir propre.

    J’avais pris 15 cachets.

       Je sens bon le gel douche. J’ai mis mon t-shirt blanc, tout simple, mais que j’apprécie. Je l’ai emprunté à Pascal au début de notre relation. Il a encore son odeur.
    Un short noir de foot. Un des seuls vêtements avec lesquels je n’ai pas chaud en cette période caniculaire.
    Propre et habillée confortablement, je me sens à l’aise.

       Mes cheveux encore trempés sont comprimés entre les draps et mon dos, inondant mon t-shirt. Je m’en fiche. Je ne perçois plus rien, car mes sens ne fonctionnent plus. Je me sens partir à chaque instant, et l’émotion est divinement agréable, indescriptible. Mes yeux se ferment d’eux-mêmes sans que je puisse lutter. De toute façon, je ne souhaite pas me battre : je profite de mes derniers instants. Moi qui avais toujours été terrorisée par la mort, voilà que je la rencontre dans des circonstances délectables. La Faucheuse a ce soir revêtu son plus beau manteau pour me tendre des bras accueillants.

       Ma vue se brouille encore un petit peu, mes sens jusque-là en émoi disjonctent et s’éteignent définitivement. Je ne ressens plus rien.

    Je ferme les yeux, et je sais que c’est la fin.

     

    Poussière 13 - "Sublime Faucheuse"


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  • Mardi 2 avril
    15h25


      En vérité, j'envie les gens autour de moi. Les gens sont beaux, les gens sont heureux, les gens se contentent de plaisirs simples.

      Je suis jalouse des rires que j'entends, de leur sobriété si facile, évidente. Pourquoi eux y arrivent-ils, et pas moi ? Pourquoi surmonter une journée leur paraît si naturel, alors que je lutte chaque matin contre les nausées veisalgiques de la veille ?
      Un groupe d'amis crie et joue aux cartes un peu plus loin. Apprenez-moi le bonheur, s'il vous plaît. J'apprends vite, promis.
       Je tente une décuv' rapide à base d'auto-conviction et de Cristaline. Je me sens épuisée mais l'examen d'anglais de la fin de journée m'impose de rester là, calme, à tenter de ne pas vomir, m'endormir ou rentrer chez moi.

    Mon cœur bat fort, beaucoup trop fort. Il cherche à s'extraire de ma poitrine sans me demander mon avis. Je suis au bord de la panique, isolée à cette table de cafétéria universitaire, seule, sans aucune aide et sans soutien, ne serait-ce que visuel ; face à moi, un mur et un morceau de baie vitrée donnant sur le parking, la Moselle et un pont d'autoroute. Les voitures qui y passent m'hypnotisent. Je ne sais pas les compter.Un bus passe. L'endormissement me gagne et j'ai posé mon crâne sur la fraîcheur de la table, je revis. Dans mon dos, un groupe d'étudiantes de première année révisent des notions de droit de la famille. La clarté et la simplicité de ces cours me bercent.


    Je ne dois pas dormir. La jalousie du bonheur des autres me tiendra éveillée.

     


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  • 18.11.18

    "De la condition féminine"


       Et tu penses que c’est super simple d’être née femme ? Que c’est un plaisir au quotidien ? Et que ce genre de remarque que tu prends pour « humoristique » arrange les choses ?

       Peut-être que tu penses que les « Eh mademoiselle, t’es jolie t’as un 06 ? Oh tu réponds pas ? Ouais c’est vrai en fait t’es moche t’as un gros ‘uc » c’est uniquement le cliché véhiculé par les films ou les documentaires société ? Que les violences verbales, physiques, sexuelles, médicales, professionnelles ne sont que des mythes que les femmes répandent pour attirer l’attention ?
    Tu veux choisir comment t’habiller en fonction des gens que tu risques de croiser, à quelle heure tu rentres ? Bannir les robes, les shorts ou les jupes si tu rentres plus tard que 19h ? Feinter un appel téléphonique ou la musique dans les écouteurs pour éviter les autres quand tu rentres seule ?Tu veux te faire siffler trois fois par jour par des bandes de garçons ? Être suivie dans les rues par un illustre inconnu aux idées bien rodées ? Te faire frotter par des hommes à l’hygiène douteuse que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam dans des transports en commun bondés, et cela devant les autres passagers qui baissent la tête ou consultent leurs téléphones, aveugles d’impuissance ? Tu veux réfléchir à la place stratégique dans le bus ? Supplier tes amis de te raccompagner chez toi parce que les derniers bus de la soirée sont risqués quand on est une jeune femme seule ? Tu veux te faire agresser en soirée parce que de toute façon « tu n’as pas dit non » ? Tu veux peut-être qu’on te reproche d’être une « pleurnicheuse » quand tu racontes les hontes que tu subis en tant que femme ? Tu veux rentrer chez toi le soir avec n’importe quel objet pouvant servir d’arme de défense bien serré dans le poing ? Faire des détours pour ne pas emprunter les ruelles ? Tu veux vivre dans l’angoisse de faire une mauvaise rencontre, espérer quand tu vois un homme au loin sur le même trottoir qu’il ne t’’importune pas ou qu’il ne te croise pas de trop près ?
     Alors tu veux sûrement percevoir un salaire moindre pour un travail équivalent voire supérieur, subir le harcèlement au travail, ou entendre des remarques comme « Oh tu veux faire tel métier ? Mais tu ne peux pas, t’es une femme et c’est un truc d’homme ! »
     Ou encore être jugée parce que tu ne réponds pas aux critères de « beauté » du XXIe siècle, te faire insulter parce que tes cuisses se touchent, parce qu’on voit tes os, parce que tu ne te maquille pas, parce que tu te maquilles trop, parce que tu ne fais pas assez de sport, parce que tu manges un biscuit, parce que tu ne manges que de la salade, parce que tu ne rentres pas dans une taille 36 ?
     Entendre des phrases type « De toute façon c’est normal, vous êtes des êtres inférieurs », « les lave-vaisselle se rebellent » « une fille ça a rien à faire dehors le soir », « l’égalité ? Je n’y ai jamais cru et j’y croirai jamais, femme = p*te » « les femmes n’existent que pour les hommes ».

       Peut-être que d’ici quelques années, tu seras l’heureux papa d’une petite fille. Petite fille qui grandira et qui deviendra une femme qui sera bien obligée de rentrer seule chez elle parfois, d’utiliser les transports, de partager l’espace public. Que dirais-tu si ces discours révoltants touchaient ton propre enfant ?

       Peut-être que tu trouves ça normal que je termine mon discours par un « estime-toi heureux d’être un homme » ? Moi non plus.

     Et pourtant, c’est cette existence qu’on mène. Le combat pour l’égalité est un combat à vie. Combat pour l’égalité, la sécurité, la tranquillité, le respect des femmes. Les législations ne pourront jamais attaquer le problème à la racine.

    Si je dis que les femmes sont obligées de vivre pratiquement dans l’ombre, ce n’est plus une plainte mais un constat. Je n’estime pas être plus féministe qu’une autre, mais seulement une des victimes d’un réel problème où les témoins ne feront que banaliser des actes de plus en plus fréquents, mais toujours aussi graves.

    Texte trente-cinquième, "De la condition féminine"

     Suite à la remarque sexiste d’un ami.


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