• 14.11.19

        Je vois mon corps comme si j'en étais extérieure. Je vois mon corps se faire violenter, et je suis incapable de réagir. Je vois cet homme massacrer mon corps en espérant toucher mon âme. Elle n'est plus là. Je vois ses mains frôler mon corps sans délicatesse, ses ongles rentrer dans ma peau tandis qu'il me maintient les épaules.
    J'ouvre les yeux pour échapper à ces cauchemars empreints de violence.

    La violence me terrorise.
    Je hais ce corps. Je ferais tout pour le changer, me débarrasser de cette enveloppe cassée et salie.
    Elle est collée à moi comme une punition, longue durée, réclusion à perpétuité dans ce corps qui n'est plus le mien.
    On a cherché à me faire croire que je ne suis pas la fautive. Pourquoi suis-je la seule à subir la sanction ? Pourquoi suis-je témoin au quotidien de son impunité ?
    Trop faible pour agir

    Poussière 16 - "Réclusion à perpétuité"

     


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  • 26 juillet 
    Vendredi soir. Le tic-tac pourtant discret de ma montre détruit le silence avec la délicatesse d’une moissonneuse-batteuse.

       Je manque cruellement d’alcool, de drogue, de tabac. De n’importe quoi de bon. Un rien me brûle les nerfs. Je me force à arrêter de pleurer. Un sanglot me serre la gorge et la seule raison pour laquelle je le retiens est que je n’ai pas de mouchoirs. Je me contente pour l’instant d’essuyer mes larmes dans mon t-shirt. 
       Je voue une haine incommensurable à ces pleurs de nervosité, que je suis généralement incapable de contrôler. Pas foutue de profiter des moments avec mes proches juste parce que je suis en manque. Trouver ces putains de cachets m’aurait tellement aidée. Calme, apaisée, juste une hâte : rentrer chez moi, m’allonger avec une série ou un roman, et me plonger dedans avec une concentration immobile. Mais non. Mes recherches et ma persévérance n’ont pas payé. Pas trois minutes pour fouiller un bureau ou un sac, et une commode vide. J’irai m’en faire prescrire moi-même lundi ou mardi. Pas de comptes à rendre. Mon bonheur est remboursé par la sécu. Je ne peux même pas dire que c’est la « triste réalité » parce que je suis tellement heureuse quand je consomme. Il n’y a rien de triste là-dedans. Pas de mal à se faire du bien. C’est légal, je ne l’impose à personne si ce n’est à moi-même, je ne fais souffrir personne, je gère mes doses comme je le souhaite et je ne prends pas de risques tels que conduire quand j’ai consommé.
       Arrêtez vos mensonges : ce n’est pas le tramadol qui me fait souffrir, c’est le manque. Etrange qu’est votre manie de me faire croire que mon bonheur est nocif.


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  • 11.07.19 - 21h48

       Je ressens toujours ce besoin amoureux de m'endormir contre toi, de sentir ta respiration calme faire bouger ma tête et ma main posées sur ton torse, de m'apaiser dans ton étreinte. J'ai toujours ce plaisir à t'écouter parler des choses qui te passionnent, de voir les étoiles scintiller dans tes yeux. Cette envie de toujours t'entendre dire ton bonheur, tes mots doux, tes histoires drôles.

      Et pourtant, ce bonheur partagé nous est limité. Prisonniers discrets de cette relation qui dérange. Vivre dans le silence et dans l'ombre, essuyer les critiques lorsque l'on prend le risque de se dévoiler.
    L'épuisement apporté par ces masques, ces capes d'invisibilité et ces omissions volontaires nous ont amenés à prendre conjointement une décision.

    - On arrête ?
    - On arrête.

       Et voilà. Le si beau couple était brisé. La raison l'emportait sur l'amour. J'avais beau savoir que nous avions grandement réfléchi, je ne pouvais le supporter.
       Deux jours à pleurer. Deux jours sans une trace de nos appels quotidiens, comme si quatre mots échangés avaient tout effacé. Deux jours de solitude, à ne pouvoir m'empêcher de me demander si tu es dans le même état que moi, ou si tu es en train de ranger mes quelques affaires dans un carton. Deux jours de larmes et de questionnements.

       Questionnements auxquels la vie a répondu d'elle-même. Il est seize heures, tu es là, assis sur mon palier, devant ma porte d'entrée, un duo de roses blanche et rouge en main, à attendre mon retour.
    Nos regards se croisent et la sensation de surprise est noyée dans un trop-plein de sentiments amoureux. Je retrouve tes bras, ton odeur, tes petites dents dans mon cou, tes mains douces sur mes côtes. Je retrouve ce ressenti de complémentarité. Nos émotions hétéroclites s'entrechoquent tandis qu'une larme coule sur ta joue, larme que je recueille doucement d'un revers de main. Plongée dans ton regard marron, je comprends que nous avons tiré la même conclusion.

    La raison ne l'emportera jamais.

     


     

       Je t'aime, P. Je t'aime et je te remercie d'être là. Merci d'avoir la patience et la compréhension nécessaires. Merci de m'apporter du bonheur au quotidien, merci de savoir recevoir avec plaisir celui que j'ai à donner. Merci d'être là à n'importe quelle heure, merci de m'avoir permis d'éviter la mort, merci de m'avoir enseigné le goût de la vie, merci de m'avoir réappris que mon corps n'est que ma propriété. Merci de ton humour, de tes cadeaux, de tes câlins, de ta présence, de ton sourire.
       Tu es quelqu'un de merveilleux, et à défaut de pouvoir le clamer sur les toits à la force maximale de mes poumons, je me contenterai de ces quelques mots sur ma feuille à carreaux.
       Merci, P.

     


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  • 05.07.19
    22h21

       Je t'ai recroisé, dans cette salle sans âme, ce jeudi soir, un 27 juin de canicule.
       J'avais toujours prié ne jamais te revoir. Ou, au pire, te revoir uniquement durant le procès qui t'enverrait derrière les barreaux.
    Des barreaux que tu ne verras jamais grâce à moi, car tu as si bien choisi ta cible que je me répète tous les matins depuis quatorze mois qu'il est temps que j'aille te dénoncer, mais sans jamais le faire.

       Tu as osé m'adresser la parole. Tu arborais encore ton sourire fier de charognard en face de moi. Je me retenais de baisser la tête à nouveau, je refoulais mes larmes et la boule dans ma gorge.
    Tu me dégoûtais. Tu me dégoûtais et tu me dégoûtes toujours. Je te l'avais déjà dit, tu le savais pertinemment. NON, NON et NON, je n'ai pas changé d'avis comme tu as l'insolence de le penser et de me l'exprimer. Je n'ai pas pu le formuler ce fameux soir car tu as triché. Tu m'as paralysée par la pression que tu exerçais sur moi, par la terreur que tu semais, par les substances que tu as glissées dans mon gobelet. Tu as abusé de ma faiblesse du moment, de mon état dépressif. Tu t'es attaqué à plus fragile que toi ; oses-tu encore te regarder dans un miroir ?
    Tu n'es qu'un déchet.

       J'ai mis plus d'un an à réapprendre tout de mon propre corps, et la totalité n'est d'ailleurs pas encore acquise. Des mois et des mois pour arrêter de paniquer lors de contacts physiques dans des bus bondés, de pleurer soudainement lors de caresses amoureuses. Du temps encore pour reprendre goût aux actes, réaliser que le sexe n'est pas une punition ni une violence.
       C'est à cause de toi que je ne suis toujours pas foutue de laisser l'homme que j'aime profiter pleinement de notre relation et de la tendresse qu'il souhaite m'apporter.
       Ta faute si je faisais une crise suicidaire deux jours après t'avoir revu. Ta vie continue et tu sembles si fier d'avoir brisé la mienne. 

    Poussière 14 - "Quelle vie continue ?"

     


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