• 12.05.17

    A l l  t h e  w o r d s  l e f t  u n s p o k e n

    A l l  t h e  p a g e s  I  w r i t e

     

    J'ai voulu parler. Ce que je voulais, c'était parler comme on vomit. Cracher les mots pour m'en débarrasser, quitte à m'écorcher la gorge, à me brûler la langue.

    La nausée reste, sans que rien n'ait la force de sortir. J'ai mal, j'ai mal, je suis incapable de laisser les phrases franchir la barrière de mes lèvres. Comme des mots interdits, comme des mots que l'on laisse de côté, comme si les mots qui décrivaient l'horreur n'avaient pas le droit d'être prononcés.

    Sans pour autant laisser tomber, j'ai réfléchi. Je me suis dit que ce qui ne voulait pas quitter mon corps était peut-être destiné à y rester. Alors je vis avec ça comme avec une maladie incurable. On la garde, parfois on l'oublie, on n'y pense plus, mais on sait quelque part au fond de nous qu'elle est là, qu'elle ne nous abandonne pas. Jamais.

    Et tout cela, ça colle à la peau sans s'en aller, malgré les bains, le gel douche, le savon de Marseille, même si on frotte jusqu'à ce que ça fasse mal, ça reste, comme de la crasse incrustée. Ça ne partira jamais. Plus jamais. Comme une maladie, la victime est choisie au hasard. Elle n'a rien demandé, mais les circonstances ont fait que les virus se sont accrochés, se sont multipliés, sont restés, ont envahi tellement de terrain qu'il est impossible de faire quelque chose désormais.

    Accepter.

    Accepter que les mots ne sortiront jamais. Accepter que le mal se noie en soi. Accepter d'aller mal, accepter de se traîner comme ça, et accepter d'accepter.

     

    L'iceberg. C'est beau, un iceberg. Inspirant. Poétique.

    C'est cela. Les mots que je veux, c'est pour illuminer la partie immergée de l'iceberg. Il n'y a que moi qui la vois et que moi qui sois apte à la décrire.

    J'ai déjà dessiné dans l'esprit de certains la partie visible. J'ai déjà réussi à mettre des mots. J'ai épuisé mon stock de forces maintenant.

    Et pourtant, c'est le moment ou jamais d'abuser, d'user les mots, de les faire sortir.

    Je n'arrive plus à écrire

    Les mots se bousculent

    Les larmes envahissent mes yeux

    C'est encore raté

    Je me noierai dans ma peine encore ce soir

    Sans que les phrases n'aient pu s'enchaîner


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  • Lundi 08 mai 2017
    20h16


    J'voudrais tellement parler, hurler toute l'histoire, leur dire ce qu'il s'est vraiment passé, au lieu de rester là comme une conne à décrire seulement la partie visible de l'iceberg, j'voudrais décrire ma souffrance, la crasse sur mon corps, la saleté de leurs mots, leur violence, j'voudrais crier, les insulter, leur faire comprendre ce qu'ils refusent de voir en face. J'voudrais qu'on m'aide à laver leur cruauté incrustée dans ma peau désormais, j'voudrais qu'on me frotte les cuisses avec de l'eau de Javel et le côté vert d'une éponge pour tout arracher et ne plus voir tout ça chaque fois que je vais prendre une douche. J'voudrais qu'on me dise ce que j'ai fait, j'voudrais comprendre en quoi c'est ma faute, j'voudrais savoir si j'en fais tout un cake, peut-être que finalement non ce n'est rien de grave, j'en sais rien, j'voudrais qu'on me dise si je suis vraiment la victime là-dedans. J'voudrais dormir la nuit sans somnifère, sans me retourner dans mon lit pendant des heures en repensant à la scène, j'voudrais pouvoir porter les vêtements que je veux sans me sentir coupable si je ne suis pas entièrement couverte. J'voudrais qu'on me dise que les connards dans l'histoire c'est eux. J'voudrais qu'on me dise que ça ne se reproduira plus jamais, mais personne n'en est certain. J'voudrais pleurer devant les autres, j'voudrais que mes larmes révèlent la vérité à elles seules, j'voudrais ne pas avoir à parler, ne pas ouvrir la bouche, laisser les autres deviner, j'suis incapable de mettre des mots là-dessus, il me semble qu'il y a un terme pour ça mais j'peux pas l'utiliser, y'a des victimes qui ont subi bien pire que moi qui peuvent l'utiliser, ce mot. Moi pas. J'me plains tout le temps de toute façon, j'ai qu'à la fermer, occulter cet épisode, taire ce sujet pour toujours, garder ma peine pour moi.
    Mais j'veux juste hurler. Sans savoir quoi dire. J'veux crier dans la rue, sur les toits, avec un porte-voix, à défaut, mettre mes mains en cône autour de ma bouche pour faire plus d'écho, pour que les gens le sachent. Dans le fond, j'sais qu'ils n'en ont rien à foutre.
    J'voudrais hurler, hurler que j'suis incapable de faire face, j'voudrais dénoncer tout ça, dénoncer cette merde qui me suit.

    Mais je sais ce que je risque. Et de toute façon, je n'ai rien. Aucune preuve. Aucun témoin. Aucun nom à balancer. Que dalle.
    Personne ne me croira.
    Tant pis.

    Poussière 4 - "La cruauté sous ma peau"


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  • On est le 30 avril 2017. J'ai tellement pris que je ne sais même pas combien j'ai pris.
    Et c'est aujourd'hui que je me rends compte pourquoi tu m'as quittée. Quelle importance ma dépendance avait pour toi.
    T'es la première personne à qui j'en avais parlé, quand j'ai réalisé le bain de merde dans lequel j'étais. Je pensais m'en sortir plus rapidement avec ton aide, mais j'ai l'impression que moi-même je n'étais pas prête à me mettre des barrières. J'ai laissé faire, j'me suis shootée tous les jours pendant des mois et des mois, devant tes yeux, j'étais un petit fantôme, une ombre de moi-même. Tu connaissais à peine la vraie moi en fait, tu avais rarement vu la moi sans drogues. J'étais incapable de mettre de l'argent de côté, ce qu'on me donnait pour me payer à manger les jours où je n'allais pas à la cantine, je préférais le dépenser dans des médicaments, dans n'importe quoi, dans une caresse illusoire destructrice. Je ne mangeais pas, je me droguais, un joli cocktail d'émotions qui me rendait bien souvent malade devant ma classe, les profs, toi, ou ma famille, à qui je sortais l'éternelle disquette "j'ai trop mangé" ou "quelque chose est mal passé". Je me suis inventé des carences pour ne pas effrayer les profs avec des malaises ultra-fréquents, j'ai compté mes jours de sevrage sur les doigts d'une main avant de replonger, j'ai regardé les secondes passer, j'ai supporté des jours entiers incapable de me concentrer parce que je n'avais rien à avaler. J'ai pleuré des nuits entières, établi des stratégies pour obtenir quelque chose, j'ai même été jusqu'à espérer qu'un membre de ma famille souffre pour que je puisse lui piquer les médicaments qu'on lui aurait, à lui, utilement prescrits. Je ne souffre que de l'intérieur, je brûle, tout mon esprit carbonise chaque instant, avec ou sans drogues, c'est la même chose. J'suis destinée à brûler à petit feu comme ça, et c'est pour ça que tu es partie. Tu as raison, sans ironie, tu as raison. Je ne voulais pas que tu me voies souffrir encore comme ça, je ne voulais pas que tu espères encore que je m'en sorte, j'en avais assez de te voir déprimer dans ton coin à cause de moi. Et repenser à cette idée d'une deuxième moi, la moi droguée, que tu connaissais si bien... ça me dégoûte. J'ai comme l'impression de t'avoir menti quatorze mois, d'avoir fait semblant, d'avoir joué avec toi. Si j'me droguais au début c'était pour me supporter, pour calmer mes élans violents et dépressifs. Ensuite c'était juste par habitude. Une petite gélule ou un petit cachet dès le matin, et on est parti pour une demi-journée. Je me souviens de l'attention que j'y portais au début, je choisissais les moments, les doses, je ne prenais pas trop, juste de quoi exister, "ex-sistere", sortir de mon être. Et aujourd'hui je m'en tape tellement que si ça se trouve, j'ai avalé suffisamment pour que ce soit mortel. J'suis incapable de me mettre des barrières mais je suis la seule à pouvoir le faire. Et ça me rend folle de ne même pas réussir à me contrôler. La vie ne me fait pas de cadeau, mais j'ai osé croire que le bonheur que je trouvais au début dans la drogue en était un. Non, c'était juste un cadeau empoisonné, dont la substance nocive se propage doucement et discrètement dans le corps, sans qu'on le remarque. Au moment où l'on s'en rend compte, c'est déjà trop tard.
    Je t'ai perdue toi, toi, la personne à qui je tenais le plus au monde, tout ça à cause de ça. J'ai fait une connerie que je ne saurai jamais réparer ni aujourd'hui ni demain. J'aimerais tellement te revoir, ne plus souffrir et ne plus te voir souffrir, surtout. J'aurais aimé te rendre heureuse, ne pas t'angoisser, qu'on ait autre chose à penser. J'ai foiré ma plus grosse mission et je ne me le pardonnerai jamais.


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  • 19.04.17 - 21h24

    J'ai besoin de drogue. Donnez-moi n'importe quoi. J'vais chialer. Tout casser. Me détruire extérieurement, pour que vous voyez ce que c'est à l'intérieur. J'suis au bout. J'tiendrai pas plus longtemps j'te dis, foutez-moi la paix. Laissez-moi tout foutre en l'air tranquillement. Je sais que vous comptiez sur moi, que vous y croyiez, j'suis désolée de vous décevoir, j'ai trembloté toute la journée, mon crâne va exploser, mes nerfs sont à vif, j'suis incapable de me concentrer, j'ai le visage qui brûle. Écrire m'est difficile, j'ai les mains incontrôlables. Et pourtant écrire c'est la seule chose qui pourrait me calmer et me sauver d'une chute qui me demanderait des mois de courage pour me relever.
    Dire que j'pensais tout contrôler. Dire que j'pensais "j'arrête quand je veux". Dire que pendant des jours et des jours, j'ai joliment organisé mon décès. Dire que pendant des jours, j'me suis même pas rendue compte de la merde dans laquelle j'me mettais.
    J'ai fait une connerie et j'arrive pas à savoir où. Il est où le problème, à quel moment j'ai pu perdre pied à ce point ? À quel moment même j'ai pu commencer ça, qu'est ce qu'il s'est passé ? Je comprends pas. J'en ai besoin. J'me suis attachée comme c'est pas autorisé, j'ai pris des doses de plus en plus élevées pour survivre, j'ai subi le sevrage physique déjà deux fois par pure volonté, et là j'suis comme une conne sans rien avoir à avaler, j'suis là à ne pas savoir quoi faire pour ne pas tout casser autour de moi. J'suis à cran, j'veux pas qu'on me parle, j'ai jeté mon téléphone loin de moi, j'ai pas envie d'adresser la parole à quelqu'un si ce n'est pour quémander quelque chose, n'importe quoi. J'suis tellement en manque que même trois ou quatre Doliprane feraient l'affaire pour me calmer. Dix-neuf jours de lutte. Dix-neuf jours que je me maîtrise, que je me calme, et à l'aube du vingtième jour de combat je faiblis comme ça. "C'est bon, c'est qu'une fois, après je reprends mon comptage des jours et on fait comme si ce petit pépin n'était pas arrivé". Non. ça marche pas comme ça. Si je craque une fois, je craquerai mille autres. J'peux pas me le permettre. J'ai promis d'en sortir. Si j'le fais pas pour moi, j'le fais pour Elle, pour Sabine, pour Sophie, pour Naomi, pour Lui, pour tous ceux qui ont osé y croire. Faut que je supporte mon état dégueulasse, faut que je supporte de pleurer pour rien, faut que je supporte de ne pas dormir ce soir.

    J'vous déteste autant que je vous aime, vous me soutenez oui, j'vous remercie pas assez de supporter au quotidien mes plaintes et mes angoisses, mais j'vous déteste à voir que vous vous allez bien, que vous avez pas de problèmes avec la drogue, que vous avez jamais vécu ce sentiment de manque profond qu'une seule petite merde peut combler, vous ne savez pas ce que je vis la nuit quand vous dormez sur vos deux oreilles, bah moi j'me tourne et me retourne dans mon lit en attendant le sommeil, je pleure, je résiste à l'envie de me relever pour prendre quelque chose, je tremble, je sue comme un veau, et quand je réussis à dormir je rêve que je craque, je rêve que je me drogue jusqu'à n'en plus sentir mes membres. Vous ne pouvez pas savoir ce que ça fait d'essayer de se séparer de ce qui nous a accompagné au quotidien pendant plus de deux ans, vous savez pas la lutte intérieure que c'est pour cacher aux autres ce qu'on ressent quand on est en manque.
    J'peux plus supporter cet état, vous pouvez pas deviner ou plutôt imaginer ce que c'est tant que vous ne l'avez pas vécu. L'adrénaline avec le risque, les effets agréables, puis les retombées, les effets secondaires, et puis un bon sommeil profond sans rêves. Et le lendemain on recommence sans se rendre compte de la spirale dans laquelle on rentre, et c'est quand on n'a plus rien qu'on se dit merde. "Merde, pourquoi j'me sens comme ça ?" Tu te sens comme ça parce que t'es en manque. Au début tu comprends pas, puis tu fais le rapprochement avec ta drogue. Et à partir de ça c'est foutu si t'as plus la volonté. Sans cette volonté t'iras nulle part, j'te promets. Si t'as pas la haine, la rage de t'en sortir, j'ai qu'une chose à te dire :
    félicitations, t'es dépendant.


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