• 31.03.18

     Elle sait qu’il est dangereux de s’aventurer en dehors de son appartement lorsqu’elle est dans cet état, dans son état second apporté par les médicaments qu’elle a avalés sans raison, elle a la chance d’être saine, d’avoir une santé correcte, et elle n’en profite pas, aujourd’hui il lui reste un corps de dix-huit ans qu’elle a sali par pure volonté ces quatre dernières années, elle peut encore s’en sortir, elle n’y arrive pas, revendique sa dépendance par écrit uniquement, elle a peur d’être jugée, elle a peur d’en parler, elle s’empoisonne gentiment, seule dans le plus grand silence, elle se sait malade d’addiction mais refuse d’admettre que c’est elle qui s’est pris la main pour se noyer dans cet océan de boue, elle culpabilise, voudrait retourner dans le passé pour ne pas sombrer, revivre son adolescence de manière propre et libre, elle ne peut que redevenir maîtresse de l’avenir, de sa vie, de son corps, de son cerveau, qu’ils arrêtent de lui dicter le comportement qu’elle doit tenir au quotidien, comprendre que les drogues ne sont pas une solution, ce n’est qu’une caresse illusoire qui ne la mènera nulle part ; et pourtant elle continue, elle essaie, elle expérimente, elle expérimente de nouvelles substances mais surtout le manque, le sevrage, elle veut quitter cette prison de plexiglas, on dirait qu’elle en a perdu la clé, elle veut fuir cet univers de plastique fragile, de fer-blanc qu’elle croit résistant mais non, pas du tout, rien n’est plus cassant que le monde dans lequel elle vit, rien n’est stable, rien n’est certain, elle le sait, elle veut voler de ses propres ailes, elle commence à en parler, elle démarre des thérapies avant de les abandonner par faiblesse, elle contacte ses amis quand elle va mal, elle cherche du réconfort, des piliers, des gens pour lui poser les barrières qu’elle est incapable de déterminer, bercée par l’habitude elle se convainc que ce n’est plus important et que les risques ont disparu, « Je sais ce que je fais, je sais les doses que je prends, je sais que c’est mal mais juste cette fois allez », elle se sépare de cette vie de taularde petit à petit, elle se sépare de ses drogues, elle commence à réussir et parfois elle trébuche, on la relève comme un enfant, elle se vexe mais elle reprend pied ensuite, elle a décidé de devenir quelqu’un de bien, de faire attention à sa santé, de prendre soin d’elle, elle veut que ses amis lui fassent confiance, elle aime les défis, elle veut les relever haut la main et pour ça elle a besoin du soutien de son entourage qu’elle avait pourtant toujours refusé, elle commence à saisir les mains qu’on lui tend, on dirait qu’elle a retrouvé les clés qu’elle semblait avoir perdu, elle remonte la pente, deux pas en avant un pas en arrière oui c’est sûr, mais bientôt ce sera trois pas en avant pour un seul pas en arrière, et de plus en plus, elle y arrivera, elle mettra la clé dans la serrure, elle trouvera l’énergie qui lui manquait pour tourner et courir dehors, elle quittera tout ça, mais la porte restera ouverte, elle sait qu’elle pourra retomber à n’importe quel moment.
    Elle aura ce but vital de ne jamais regagner cette prison qu’elle a déjà beaucoup trop occupée.


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  • 29.03.18

    Mets-toi à pleurer si tu veux, ça ne changera rien. On dirait un enfant capricieux.
    Tu as peur : peur de ne pas y arriver ou peur de l’état dans lequel tu seras sans tes drogues ? Pose-toi les bonnes questions, les questions qui fâchent. Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu paniques ? Pourquoi tu as commencé ? Pourquoi tu n’en sors pas ? Pourquoi tu te mens à toi-même ? Penses-tu vraiment que tu n’y arriveras jamais ?
    Reprends l’histoire au début si ça te chante, mais ce n’est pas un saut de 4 ans dans le passé qui te donnera les solutions à ton problème.
    Arrête d’avaler n’importe quoi pour t’occuper ou pour te rassurer. Ça ne t’apporte qu’angoisse et culpabilité.
    Arrête de te persuader que c’est bon pour toi.
    Arrêter de te persuader que ce n’est pas grave.


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  • Mardi 09 janvier 2018
    13h28
     

    Je claque la porte, jette mon sac, m’écroule sur mon lit.
    Non. Je ne dois pas me morfondre.

    No pain no gain.

    Je me relève, enfile un legging, des baskets.
    Le froid me claque la gueule.
    Je cours. Sans savoir où, pourquoi.
    Je veux changer de corps, quitter cette enveloppe de cellulite qui me hante.Je n’ai aucune motivation à tenir la durée de ce « régime ». Je n’y arriverai pas. Je n’y crois même pas, et je me fais violence quand même.

    No pain no gain.

    J’avance encore. Ma respiration est haletante, manquante, j’ai soif. Je veux m’arrêter.
    Je ne m’arrête pas.

    No pain no gain.

    Je sue. Mes jambes ne me tiennent plus. Je rebrousse chemin en faisant abstraction de la douleur.
    Ma main tremblante cherche mes clés. Je m’assois sur le canapé.
    J’ai faim.
    J’ai envie de manger.
    Je n’ai jamais su faire la différence.
    Je n’ai rien avalé depuis plus de vingt heures.
    Je ne mangerai pas.

    No pain no gain.

    J’ai envie d’abandonner. Tout. Envie de retomber dans ma dépendance, qui m’apportait toutes les caresses dont j’ai besoin.
    Je n’abandonnerai pas. Le sevrage est violent.

    No pain no gain.

    Je m’assois en face du bureau. J’ai envie de rentrer à l’ENA, je n’ai aucune envie de travailler.
    « C’est pour apprécier les sourires qu’on avance tous en grimaçant.»

    No pain no gain.

    Les roses ne sont pas moins jolies pour autant

     

    Poussière 5 - "No pain, no gain"


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  • Lundi 08 mai 2017
    20h16


    J'voudrais tellement parler, hurler toute l'histoire, leur dire ce qu'il s'est vraiment passé, au lieu de rester là comme une conne à décrire seulement la partie visible de l'iceberg, j'voudrais décrire ma souffrance, la crasse sur mon corps, la saleté de leurs mots, leur violence, j'voudrais crier, les insulter, leur faire comprendre ce qu'ils refusent de voir en face. J'voudrais qu'on m'aide à laver leur cruauté incrustée dans ma peau désormais, j'voudrais qu'on me frotte les cuisses avec de l'eau de Javel et le côté vert d'une éponge pour tout arracher et ne plus voir tout ça chaque fois que je vais prendre une douche. J'voudrais qu'on me dise ce que j'ai fait, j'voudrais comprendre en quoi c'est ma faute, j'voudrais savoir si j'en fais tout un cake, peut-être que finalement non ce n'est rien de grave, j'en sais rien, j'voudrais qu'on me dise si je suis vraiment la victime là-dedans. J'voudrais dormir la nuit sans somnifère, sans me retourner dans mon lit pendant des heures en repensant à la scène, j'voudrais pouvoir porter les vêtements que je veux sans me sentir coupable si je ne suis pas entièrement couverte. J'voudrais qu'on me dise que les connards dans l'histoire c'est eux. J'voudrais qu'on me dise que ça ne se reproduira plus jamais, mais personne n'en est certain. J'voudrais pleurer devant les autres, j'voudrais que mes larmes révèlent la vérité à elles seules, j'voudrais ne pas avoir à parler, ne pas ouvrir la bouche, laisser les autres deviner, j'suis incapable de mettre des mots là-dessus, il me semble qu'il y a un terme pour ça mais j'peux pas l'utiliser, y'a des victimes qui ont subi bien pire que moi qui peuvent l'utiliser, ce mot. Moi pas. J'me plains tout le temps de toute façon, j'ai qu'à la fermer, occulter cet épisode, taire ce sujet pour toujours, garder ma peine pour moi.
    Mais j'veux juste hurler. Sans savoir quoi dire. J'veux crier dans la rue, sur les toits, avec un porte-voix, à défaut, mettre mes mains en cône autour de ma bouche pour faire plus d'écho, pour que les gens le sachent. Dans le fond, j'sais qu'ils n'en ont rien à foutre.
    J'voudrais hurler, hurler que j'suis incapable de faire face, j'voudrais dénoncer tout ça, dénoncer cette merde qui me suit.

    Mais je sais ce que je risque. Et de toute façon, je n'ai rien. Aucune preuve. Aucun témoin. Aucun nom à balancer. Que dalle.
    Personne ne me croira.
    Tant pis.

    Poussière 4 - "La cruauté sous ma peau"


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